Un loup quelque part – Amélie Cordonnier – J’ai Lu – 12/01/2022.

Un récit dérangeant et pourtant profondément humain sur le désamour d’une mère envers son enfant. L’estampille « Livre Coup de Poing » n’est pas exagérée: le sujet de ce livre ainsi que le style surprenant de l’auteure sont remarquables.

La protagoniste, dont on ne connait pas le prénom, est une professeure d’une trentaine d’années, mariée, qui profite d’un congés parental pour s’occuper de son bébé de cinq mois et de sa fillette de huit ans. En faisant la toilette d’Alban, elle découvre d’intrigantes taches brunes sur le corps de son bébé. Une visite chez le pédiatre lui apprend que son fils, sans aucun doute possible, est métis… Un choc pour la jeune femme dont l’incompréhension est totale. Il lui faudra enquêter avant de comprendre la raison de cette « différence », mais cela entraine avant tout un rejet, un dégoût profond pour son enfant, avec le besoin de le « recommencer » car forcément il y a un loup quelque part… Mais voilà, on ne peut pas retourner, comme un achat défectueux, un bébé à la maternité sous prétexte qu’il ne convient pas… Il faut au lecteur ou lectrice (mère de famille ou pas) se mettre à la place de cette femme que rien ne prépare à découvrir le changement progressif de couleur de peau de son enfant : le bébé tout blanc se métamorphose sous ses yeux en petit métis, comme Grégor Samsa, le personnage de Franz Kafka devenu un beau jour cloporte… Non qu’elle soit raciste, cette jeune femme s’en défend d’emblée, mais tout de même que va t-elle dire aux autres ? Et puis cela touche à son histoire personnelle, à ses racines. Ce roman évoque un sujet jusqu’à récemment encore tabou, et pour lequel les langues commencent seulement à se délier, par des témoignages courageux : ces femmes qui n’éprouvent pas l’amour tant attendu envers leur nouveau-né, vivant un « déni d’amour » culpabilisant et mal perçu par la société. Ces situations existent et engendrent de la souffrance tant du côté des parents que des enfants et la seule attitude valable pour les personnes qui gravitent autour de ces familles en souffrance est de ne surtout pas juger mais d’apporter écoute et soutien. Cela dérange peut-être mais voilà, c’est un fait, les relations parents-enfants peuvent parfois se révéler très complexes.

Le style d’Amélie Cordonnier (et là j’arbore un grand sourire), m’a d’abord déroutée. Totalement. Au point qu’après avoir lu quelques courts chapitres je me suis demandée comment j’allais venir à bout du roman (j’ai honte!). Direct, saccadé, incisif, de prime abord je n’aime pas. Et puis, c’est un peu comme écouter pour la première fois Alors on danse, le tout premier tube de Stromae, au début ça tape sur les nerfs et puis se dégage quelque chose de profondément séduisant. Entre références littéraires et musicales actuelles, on se laisse surprendre par des associations d’idées venues d’on ne sait où, mais tellement évidentes, des rimes inattendues, une poésie moderne, sombre et intimiste qui prend aux tripes. Alors là, oui bien sûr que oui. Une belle surprise que ce roman!

Je remercie Babelio de m’avoir sélectionnée pour découvrir ce titre lors d’une opération Masse Critique.