Une chose à cacher – Elizabeth George – Presses de La Cité – 6 Octobre 2022.

Membre d’une section spéciale de lutte contre les violences faites aux femmes, l’inspectrice Téo Bontempi a infiltré sous une fausse identité une clinique qu’elle soupçonne de mutilations génitales médicalisées. D’origine nigériane, la jeune femme a elle aussi été excisée dans son enfance. Elle est retrouvée inconsciente dans son appartement, le crâne fracassé par un objet non identifié. Elle succombe à ses blessures. Les inspecteurs Thomas Lynley et ses adjoints, Barbara Havers et Winston Nkata, se plongent dans l’enquête qu’elle menait au sein de cette communauté nigériane. Ils s’intéressent également à la vie privée de cette jeune femme.

Je n’avais pas lu cette autrice depuis de nombreuses années, hormis un recueil l’an passé sur ses secrets d’écriture, De l’idée au crime parfait , je me suis à tort privée des enquêtes de l’inspecteur Linley et de la désopilante Barbara Havers, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à les retrouver, l’autrice n’ayant en rien perdu de son sens de l’humour. Le fidèle ami de Linley, Simon Saint-James est aussi de la partie, puisque son épouse, Deborah tient en tant que photographe un rôle primordial dans ce récit. Mais passons au sujet révoltant de ce roman. Nous allons faire la connaissance de la famille Bankole, composée du père Abeo, un tyran domestique, qui violente et humilie son épouse soumise, Monifa. Tous deux sont liés à la tradition religieuse nigériane qu’ils ne renieraient pour rien au monde. Et celle-ci impose le mariage aux petites filles, le plus tôt possible. Ainsi nait le projet de marier leur fille âgée de huit ans, Simisola, à un homme du pays. Avec cela, il y a aussi la tradition de l’excision destinée à empêcher la future jeune femme de ressentir un plaisir sexuel, et ainsi de rester fidèle à son mari. Tanimola, le frère aîné de Simisola, surprend les projets de ses parents et vient en aide à sa petite soeur.

Durant ma lecture a eu lieu la Journée internationale des Filles, durant laquelle les médias ont évoqué ce sujet encore tabou des mutilations génitales féminines, sur des enfants très jeunes, prodigués parfois dans des conditions d’hygiène déplorables, sans anesthésie. Je savais que ces pratiques d’un autre âge existaient, mais dans ma grande naïveté je les croyais cantonnées au continent africain ( ce qui n’amoindrit pas l’horreur de ces actes). Après la lecture de ce roman, je n’ai eu aucun mal à croire que ces pratiques barbares aient lieu dans nos pays industrialisés, et que certains parviennent même à en tirer profit !

Les 650 pages d’Une chose à cacher m’ont impressionnée, j’ai toujours un peu peur de me lancer dans un gros roman, de voir ma concentration s’effriter au fil des pages. Dans le cas présent, je n’ai eu aucun mal à entrer dans l’histoire, à m’investir des personnages et à suivre cette enquête passionnante. Bref j’ai englouti ce pavé en quelques jours. Le sujet est très bien traité, j’ai appris des choses que j’ignorais, je suis maintenant sensibilisée à ce sujet des mutilations génitales féminines. Elizabeth George parvient à traiter avec brio ce sujet de société et à l’insérer dans une enquête qui ne laisse aucun répit au lecteur. Pas de temps mort, des personnages construits et développés, rien n’est laissé au hasard et autant vous dire que l’autrice nous balade d’un bout à l’autre du récit. La vie privée et professionnelle de chacun des protagonistes s’entremêlent de façon à créer un récit riche sur un sujet profond. Une excellente réussite dans le domaine. Un titre passe-partout (c’est souvent le cas pour ce type de littérature anglo-saxonne) pour une histoire qui ne l’est pas et qui mérite vraiment le détour.

Je remercie Babélio et les Editions Presses de La Cité pour l’envoi de ce roman, reçu dans le cadre d’une Opération Masse Critique Privilégiée.