Entre fauves – Colin Niel – Audiolib – Décembre 2022.

Thriller choral à quatre voix, Entre Fauves se déroule dans le désert de Namibie et dans les vallées pyrénéennes. Prix Libraires en Seine 2021, ce roman explore le rapport de l’homme à la chasse aux fauves, en prenant en compte sa complexité liée aux problématiques environnementales actuelles.

Martin est garde au parc national des Pyrénées. Il travaille notamment au suivi des ours, dont il est un fervent défenseur. Après la mort de l’ourse Cannelle tuée par un chasseur en 2004, l’ourson Cannellito est le dernier représentant de la lignée pyrénéenne que Martin et son équipe ont à coeur de préserver. Egalement militant anti-chasse, Martin est membre d’un site internet où sont postées des photos de chasseurs qui posent fièrement devant leurs trophées. Le site révèle leurs identités, les livrant ainsi à la vindicte populaire. Lorsque Martin tombe sur un cliché montrant une jeune femme devant la dépouille d’un lion, arc de chasse en main, il est déterminé à la retrouver et à la livrer en pâture à l’opinion publique. Même si d’elle, il ne connaît qu’un pseudonyme sur les réseaux sociaux : Leg Holas. Il la piste donc de façon à ce que de chasseuse, elle devienne proie, mais n’a d’autre intention que de lui faire peur pour lui faire passer l’envie de tuer.

Apolline fête ses 18 ans entourée de sa famille. Elle est passionnée de chasse depuis son plus jeune âge, elle est née dedans dira-t-on puisque c’est également le hobby de ses parents. Pour son anniversaire, son père lui offre un arc d’exception, et… un safari en Namibie où Apolline pourra tuer un lion. TUER UN LION. Pour le plaisir, pour le pouvoir, pour la modique somme de 50 000€. Papa est riche vous comprenez (il est vrai que ça vaut le coup d’être médecin, avocat, investisseur immobilier pour faire ce genre de choses…) et quand on est riche, on a le POUVOIR. L’autre problème avec Apolline c’est qu’elle est encore en apprentissage et que lorsqu’elle tire (même si papa dit qu’elle est la meilleure archère du monde!), il lui arrive de râter sa cible, et de blesser plutôt que de tuer immédiatement. Or, un animal blessé souffre comme un humain blessé (petite allusion au passage à Ames animales de J.R Dos Santos), et un grand prédateur blessé est ce qu’il peut arriver de pire dans la savane, dixit papa. Mis à part ça, contre toute attente, Apolline n’est pas le personnage absolument détestable que l’on s’imagine: elle n’a rien d’une garce prétentieuse et égocentrique, elle est au contraire solitaire et intelligente, elle aime profondément l’Afrique, s’intéresse aux populations locales contrairement à son papa (exemple type de l’arrogant parvenu qui dénigre et se moque constamment). Ce portrait d’une Apolline claire-obscure est à l’image du roman lui-même : Colin Niel ne souhaite pas prendre part pour les pro ou anti-chasse, il a observé les motivations des uns et des autres, il est également conscient des enjeux écologiques qui se jouent tant au niveau de la préservation des ours pyrénéens que des grands fauves d’Afrique. Il met brillamment en lumière la complexité de ce problème et le dénouement remet en cause les partis pris et donne à réflexion.

Le personnage de Kondjima, jeune villageois namibien, révèle la difficulté pour les populations locales de survivre en dépit de la sécheresse car leur problème majeur est la présence de ces grands prédateurs, dont le mode de vie bouleversé par les changements climatiques, les enjoint à se rapprocher dangereusement des hommes. La quête de Kondjima, légitime et valeureuse rejoint le destin de Martin et d’Apolline.

Deux lieux différents, deux temporalités, quatre personnages… Mais au fait, qui est le quatrième ? Il s’agit de Charles, le lion, dont la voix emprunte de poésie épique apparait dans quelques chapitres, et permet une immersion dans le bush d’un point de vue animalier. Alors certains aiment d’autres pas les caractéres anthropomorphiques d’un personnage, pour ma part j’ai trouvé que cela apporte une vision originale, donnant l’opportunité à des descriptions de paysages africains magnifiques. Il en est de même pour les Pyrénées, qui ne sont pas en reste, et il faut dire que Colin Niel possède un style d’écriture au pouvoir très évocateur. Ce livre est idéal en version audio, notamment en raison des quatre voix différentes qui composent le récit. Lorsqu’on lit un livre dont le point de vue différe à chaque chapitre en fonction des personnages, il faut toujours un temps d’adaptation, on risque de s’y perdre si l’on manque de concentration. Ce n’est pas le cas en audio car les voix des quatres comédiens ont chacune leur particularité et correspondent parfaitement aux personnages, exprimant au mieux leurs ressentis : hargne et colère pour Martin, calme et volonté pour Apolline, urgence et espoir pour Kondjima et sérénité et prestance pour Charles. Longtemps après avoir terminé cette écoute, je garde en mémoire d’intenses scènes que j’imagine bien sûr adaptées au cinéma, pourquoi pas ?

Je remercie chaleureusement les Editions Audiolib via NetGalley pour cette écoute que je vous conseille absolument!