La faille – Franck Thilliez – Fleuve – Mai 2023.

Plus les sujets sont sombres, plus il s’en sort haut-la-main. La barre est très haute, elle atteint des sommets puisque F. Thilliez s’attaque ici au sujet le plus énigmatique qu’il soit : la mort. La mort disséquée, imaginée, extrapolée, toujours de manière scientifique (et comme toujours de façon parfaitement accessible), et le résultat, même en plein été, sous 35° promet de vous glacer le sang. Sont abordées dans ce roman des questions que l’on évite habituellement de se poser à moins d’être féru de médecine, thanatopracteur de métier ou maladivement attiré par le morbide… Chaque lecteur de F.Thilliez reconnaîtra qu’il l’est un minimum! Qu’est-ce qui insuffle la vie ? Comment s’interrompe-t-elle lorsque la mort surgit? Où se situe la frontière entre la vie et la mort? L’esprit peut-il survivre à la chair ? Entre les lignes de ce roman, je lis cette phrase « il y a toujours pire que le pire », maxime qui convient parfaitement à l’auteur car chacun de ses livres surpasse en horreur le précédent, ce qui est pleinement extatique pour les fans (dont je fais partie)!


Cela commence par une interpellation qui tourne à la catastrophe, dans laquelle un des officiers de l’équipe Sharko est gravement blessé. Mis à l’écart le temps que l’on établisse son degré de responsabilité, Franck Sharko poursuit illégalement son enquête pour retrouver une jeune femme disparue depuis trois mois. Celle-ci est une artiste qui se passionne pour les représentations de la mort et qui a entrepris une quête obsessionnelle sur l’ultime passage de la vie à la mort. Un sujet aux frontière de la folie auquel Sharko va être confronté, non seulement dans son enquête mais également, pour lui et son équipe, de façon plus intime.

Outre la classique vieille abbaye et l’hopital psychiatrique, les lieux traversés par ce récit sont méticuleusement recherchés et décrits, notamment le musée des moulages de l’Hopital Saint-Louis à Paris, où l’on découvrira une collection de cires dermatologiques et le métier de céroplasticien… Non moins fascinant un centre de don d’organe et le laboratoire d’un expérimentateur inspiré de personnages ayant réellement existés. La note au lecteur en fin d’ouvrage (à lire en dernier bien sûr) finira de vous refroidir. Façon de parler bien sûr… Cela peut paraître grandiloquent mais c’est tellement bien mené et documenté que l’on ne peut qu’être poussé à réfléchir à de multiples questions, abordées avec intelligence et profondeur.

La thématique autour de la mort évoque tour à tour des questions scientifiques, juridiques, éthiques voire même philosophiques et artistiques, ce qui offre une palette dans le registre du macabre particulièrement développée. Je vous aurais prévenus, parfois on cherche l’oxygène ! Certaines questions sont pleinement d’actualité, le débat sur la fin de vie notamment, et dans ,un autre domaine le sujet brûlant qui concerne la sécurité et les forces de police. L’équipe de flics à laquelle on s’est attachée depuis de nombreux romans est (de nouveau) mise à mal : avec une tension psychologique qui monte crescendo dans le récit, et un final bouleversant, F.Thilliez torture une nouvelle fois ses personnages, et ravive d’anciennes blessures enfouies, mais c’est là une façon de leur conférer une belle humanité. Un récit à maints égards troublant et impressionnant. Assurément un de mes préférés.