Le manufacturier – Matthias Köping – Magnus – Juin 2022.
Je referme ce roman en me disant que tout ce que j’ai pu lire comme livres d’horreur par le passé, des oeuvres de fiction (King, Masterton, Barker par exemple), n’existent que pour adoucir la réalité. Matthias Köping me semble être là pour nous rappeler qu’au-delà de l’imagination, il y a une réalité qui dépasse de loin la fiction.
Par où commencer cet article ? Certainement par l’avertissement mentionnant au dos du livre sa très grande violence et le fait qu’il soit strictement réservé à un public averti. Cette mise en garde n’est pas à prendre à la légère toutefois elle rebute autant qu’elle attire. Il est bien évident que ce livre n’est pas à metttre entre toutes les mains, âmes sensibles s’abstenir. Il y a violence et violence dans le polar comme au cinéma et l’auteur pour le coup n’y va pas avec le dos de la cuillère. Se plonger dans ce livre sans être un minimum « exercé » à ce que le polar recèle de plus sombre reviendrait certainement à descendre cul sec un litre de vodka sans jamais y avoir goûté. Voilà, c’est dit. Le manufacturier est l’occasion d’une plongée abjecte dans la guerre, la drogue, la prostitution, l’ultraviolence, le tout sans filtre.
En 1991, en Croatie, Milovan alors enfant a vu sa famille torturée et tuée par des paramilitaires serbes. Seul rescapé, il est recueilli en France par des cousins éloignés qui vivent sur le causse de Mende. Vingt-cinq ans plus tard, il entreprend avec l’aide d’une avocate réputée appartenant à une ONG, de traquer ses bourreaux pour venger les siens. En 2017, au Havre, le détestable capitaine de police Vladimir Radiche lutte sur tous les fronts : trafic de drogue, darknet, meurtres… Une femme et son bébé ont été tués de façon abominable, leur agonie filmée et diffusée sur le site internet du Manufacturier, un tueur insaisissable, star du darkweb. Au fil de cette intrigue diablement maitrisée le destin de Milovan et celui de Radiche se télescopent au coeur d’une vérité démentielle.
En ancrant la trame de ce roman dans le conflit serbo-croate qui a sévi durant les années 90, l’auteur se base sur des élèments aussi réels qu’insoutenables. Les faits sont historiques, scrupuleusement analysés sur la base de recherches documentaires approfondies. Pour nous lecteurs, ce conflit fait écho à tant d’autres qui au fil des ans ont ensanglanté notre actualité, nous ont touché de près ou de loin. Sachez que l’auteur ne nous épargne rien : lorsque l’on prie pour qu’il n’aille pas jusque là, il y va assurèment, et il y retourne. Le viol, et ce n’est qu’un exemple, en tant qu’arme de guerre est utilisé de part et d’autre par les troupes militaires et est dans ce roman répété inlassablement pour nous rappeler que la guerre avant d’être le fruit des passions humaines de toutes sortes n’est surtout qu’une excuse pour laisser libre court à la bestialité. De même, en parallèle de ce conflit serbo-croate, l’auteur explore avec acuité l’univers des trafiquants de drogue et de la prostitution, ça se passe en France et hormis l’explosion finale, je dois avouer que cet univers, je ne l’imagine plus autrement, on sait bien que l’on en est là aujourd’hui dans notre beau pays. Difficile de trouver l’oxygène dans ce roman, l’avocate Iréna Ilic, qui se meurt d’un cancer des poumons, ne nous aide pas non plus à reprendre notre respiration. Et on repart pour une petite excursion dans le darkweb, que cela vous chante ou non, comme si tout ce que nous présente l’auteur en surface n’était pas suffisant à notre désarroi… Glauque, terrifiant et là encore réel sur le fond, pour notre plus grand effroi. Réalisme et actualité l’emportent donc sur la fiction dans cette première partie d’une noirceur absolue, il faut le lire pour le croire.
A la moitié du roman, la violence atteint son paroxysme avec la découverte des corps d’une mère de famille et de son bébé, je vous passe les détails, vous les lirez ou pas, mais la suite garde ce niveau d’intensité, il ne faut pas espérer de répit avant le final qui, au passage, ne laisse aucun espoir. J’ai adoré ce roman de A à Z, bien malgré moi car en même temps j’ai très peu dormi ou très mal… Toutefois, je me suis posé des questions sur certains éléments, et ce qui va suivre n’est pas une critique mais une réflexion. Les propos de l’auteur dans sa préface et ce qui émane des personnages et des évènements sont clairement réactionnaires. On sent que l’auteur est là pour dire quelque chose, qu’il a un message à faire passer, et que cela touche les prises de position du gouvernement français. La trame de fond qu’il tisse est terriblement réaliste à tous point de vue, et là dessus il évoque clairement l’idée que les forces de l’ordre sont grangrénées à un point inimaginable, le tout lié à une immigration qui pose problème au-delà du concevable. Va t-il trop loin ? A t-il ressenti le besoin de se couvrir, de se dédouaner en cas de riposte ? Toujours est-il qu’à un moment donné, certains faits ne sont plus crédibles. Je ne parle pas du nombre de victimes du manufacturier et de ses mises en scènes abominables qui feraient pâlir de jalousie les pires tueurs en série, mais par exemple, l’absence de médiatisation autour des crimes et des disparitions: si aujourd’hui disparaissaient une femme et son nourrisson dans un parc public de Rambouillet, il est évident que l’affaire serait médiatisée par delà nos frontières, imaginez un peu le tableau. Mais là rien, pas le moindre reportage, pas la moindre caméra ou avis de recherche, et pire aucune communication autour de l’affaire au sein même des forces de l’ordre, là ce n’est plus crédible. Comment peut-on écrire un passage aussi réaliste et hyperdétaillé que celui nous contant l’autopsie des corps martyrs et faire une impasse sur la médiatisation de cette affaire ? J’ai eu l’impression que l’auteur voulait volontairement se tirer une balle dans le pied pour décrédibiliser un livre qui démarre très fort, peut-être trop dans le réalisme. C’est juste une question que je me suis posée en cours de lecture. L’intérêt, le rythme, le style, tout y est et fait de ce roman l’un des romans noirs français les plus marquants si ce n’est le plus marquant. Ce monument de noirceur trône désormais en fière place dans ma bibliothèque.
18 mars 2024 at 10 10 39 03393
Merci pour l’avertissement. Même si les thèmes m’intéressent, je ne lirai pas ce roman car son ultra violence me rebute. Selon moi, elle n’est jamais nécessaire car quand on est écrivain, on use des mots comme on veut, on les choisit. L’ultra violence est un choix de l’auteur mais il s’aliène des lecteurs, je pense.
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18 mars 2024 at 14 02 34 03343
Oui, je pense que certains abandonnent au bout de quelques pages car on est directement plongé dans la violence. Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’un écrivain n’a pas besoin d’ultra-violence pour être éloquent. Toutefois sous cette forme ce roman m’a plu, je pense que j’ai aimé le fait que l’auteur ose ce réalisme pur.
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18 mars 2024 at 12 12 00 03003
Je crois que c’est l’un des romans les plus violents que j’ai pu lire si ce n’est le plus violent. C’est vrai qu’il faut être bien accroché pour tout lire sans détourner le regard ou être mal à l’aise.
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18 mars 2024 at 14 02 30 03303
Ce n’est pas une lecture pour se détendre, j’étais mal à l’aise du début à la fin mais je le trouve néanmoins magistral!
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18 mars 2024 at 12 12 17 03173
C’est le livre le plus dérangeant, le plus violent qu’il m’est été donné de lire. Malgré tout, j’ai aimé mais comme vous le dites très justement, à réserver pour un public très averti 🙂
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18 mars 2024 at 14 02 28 03283
Absolument, rares sont les maisons d’édition à apposer cet avertissement, mais là il était inévitable!
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18 mars 2024 at 19 07 09 03093
Je pense que c’est trop violent pour moi mais j’ai apprécié de découvrir ce roman par ton biais.
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19 mars 2024 at 10 10 08 03083
Merci beaucoup 😍
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19 mars 2024 at 9 09 39 03393
Un livre qu’on a presque honte d’adorer… personnellement une ded lectures qui a le plus marqué ma vie de lectrice ! Mais effectivement, il n’est pas à mettre entre toutes les mains…
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19 mars 2024 at 18 06 43 03433
C’est un livre que j’aimerai découvrir, notamment grâce à Nath de Mes lectures du dimanche qui semble l’adorer. Et je dois dire que ta chronique est accrocheuse, on sent que cette lecture est loin de laisser indemne. Mais j’admets que la noirceur dont semble faire preuve l’auteur m’effraie un peu, je me lancerais quand je serais prête à être autant bousculée. 😇
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19 mars 2024 at 18 06 54 03543
Si tu es sensible, courage à toi ! Il est intense en horreur du début à la fin et ne laisse aucun répit. Le récit est addictif mais le lecteur reste libre de continuer ou pas sa lecture. En tous cas j’ai hâte de connaître ton avis !
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19 mars 2024 at 19 07 18 03183
Je vais attendre encore, par précaution 😄😇 Mais c’est certain que je ne manquerai pas d’en parler quand je l’aurai lu. 🙂
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23 mars 2024 at 8 08 56 03563
C’est un roman dont j’ai beaucoup entendu parler, et que je lirais peut-être en choisissant le bon moment.
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29 mars 2024 at 13 01 14 03143
qu’est ce que j’avais aimé ce bouquin fort, violent mais marquant !
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29 mars 2024 at 15 03 48 03483
J’ai l’impression que les lecteurs qui ont vaincu le premier chapitre ont finalement aimé voire adoré ce livre, nous en faisons partie Gé!
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29 mars 2024 at 16 04 58 03583
C’est fort possible ça Lison 😉
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