L’essence du Mal – Luca D’Andrea

Glaçant !

Pour un premier roman, ce livre est un coup de maître ! Chaussez vos bottes et couvrez-vous bien, l’Essence du Mal nous entraîne dans une région hostile du Tyrol Sud, en Italie, au coeur du massif des Dolomites, plus précisément dans la vallée du Bletterbach, un endroit considéré comme maudit par les habitants du coin tant les disparitions inexpliquées de bergers, de bûcherons sont nombreuses…

Jérémiah Salinger, réalisateur new-yorkais de documentaires en recherche d’idées pour de futurs projets y séjourne lors d’une année sabbatique avec son épouse Anne-Lise, originaire de la région, et Clara leur fille de 5 ans. Alors qu’il accompagne en intervention une équipe de sauveteurs alpins, Jérémiah assiste à un accident d »hélicoptère où meurent plusieurs personnes. Coincé dans une crevasse, il vit des heures de panique absolue, en proie aux peurs les plus ancestrales avant d’être enfin secouru. Traumatisé par l’événement, il peine à reprendre pied mais peut compter sur le soutien de sa famille. Moins sur les habitants du petit village de Siebenhoch où ils séjournent : des montagnards chevronnés qui se méfient des étrangers et n’aiment guère que l’on vienne fouiller dans leurs affaires. C’est pourtant ce que Jérémiah va s’empresser de faire lorsqu’il entend parler d’une étrange affaire survenue en 1985: le massacre en pleine montagne de 3 enfants du pays : Evi, une jeune géologue prometteuse, son frère Markus, et son fiancé Kurt. Le poids de cette tragédie non élucidée pèse encore aujourd’hui sur la communauté de Siebenhoch. Intrigué par ce drame, puis rapidement obsédé par son enquête, Jérémiah met tout en oeuvre pour approcher la vérité. Mais celle-ci, enfouie depuis si longtemps au coeur des glaciers, doit-elle être révélée ?

L’essence du Mal est le récit puissant et douloureux, écrit à la première personne, d’une quête déraisonnée, instinctive, menée envers et contre tous, par Jérémiah Salinger. Dans un style épuré, subtil et vif, Luca d’Andrea parvient à nous offrir une écriture très visuelle, suggestive, ce qui, à mon sens, est une prouesse. Le thème de la culpabilité est récurrent dans ce roman, jusque dans la figure du Krampus, le Diable de Noël, un anti Saint-Nicolas ou notre Père Fouettard, dont la légende est célébrée début décembre dans les régions du Tyrol. Certains passages procurent de véritables sueurs froides, et les fausses pistes se succèdent, sans perdre le lecteur, jusqu’au dénouement final, imprévisible, qui nous rappelle toutefois qu’indépendamment des hommes, la Montagne a ses propres lois, et que l’homme, aussi mauvais soit-il, est bien peu de chose à côté d’elle.

Une bonne lecture, agréable et addictive, dépaysante à lire en hiver au coin du feu… et peut-être entendre le cri de la Bête au milieu du silence ?


L’auteur : Luca d’Andrea est né en 1979 à Bolzano dans cette région du Trentin-Haut-Adige, décor de l’Essence du Mal. Romancier et scénariste, il travaille en 2013 sur la série documentaire Mountain Heroes produite par Discovery Channel. En 2016, il publie son premier roman l’Essence du Mal. En 2017, son second roman Lissy, remporte le prix Scerbanenco, et parait en France, en 2019 sous le titre Au coeur de la folie. Il est également l’auteur de la série de littérature d’enfance et de jeunesse Wunderkind.