Les impatientes – Djaïli Amadou Amal – Lizzie – Mai 2021.

 Les Impatientes a obtenu le Prix Orange du livre en Afrique 2019 et le Prix Goncourt des lycéens 2020. Ce livre écouté en version audio, est d’une force bouleversante, révolté, révoltant et magnifique. Je salue le courage de son auteure, qui en s’inspirant de sa propre vie, livre un témoignage essentiel sur les violences faites aux femmes à travers le mariage forcé et la polygamie.

En puisant dans sa douloureuse expérience, l’auteure nous conte les destins enchevétrés de trois femmes, Ramla, Hindou et Safira, camerounaises et musulmanes qui, à des âges différents, vivent la même soumission auprès d’un mari qu’elles n’ont pas choisi. A tour de rôle, ces femmes prennent la parole et racontent leur chemin de croix, ce qu’elles ont subi au sein même de leur famille. Cela commence par le mariage, le même jour, de deux soeurs. Ramla, était jusqu’alors une studieuse lycéenne de 17 ans, se destinant à des études de pharmacie. Amoureuse d’un jeune homme de son âge, elle envisage l’avenir auprès de lui. Mais son père et ses oncles en décident autrement et la marient de force à Alhadji Issa, un homme d’affaire riche et puissant qui possède déjà une première épouse, Safira avec qui il a des enfants. La soeur de Ramla, Hindou, est quant à elle mariée à son cousin, Moubarak, un homme violent qui a déjà tenté de la violer par le passé et qui n’attend qu’une chose, faire d’elle une épouse soumise. Hindou aura beau supplier son père de la préserver de ce mariage, elle sera remise aux mains de son tortionnaire. Arrachées à une vie jusque là heureuse, les deux soeurs vont alors vivre leur existence maritale tel un cauchemar, au sein de la « concession » dominée par le mari qui a tout pouvoir. Reléguées au rang d’objet, l’une violée, l’autre accusée des pires maux, elles doivent tout faire pour séduire et contenter leur époux, au risque de se voir destituer de leur rang et remplacer par une autre. C’est ce qui est arrivé à Safira, la fidèle épouse depuis plus de vingt ans d’Alhadji, qui est bouleversée par la venue de Ramla, et qui ne peut se résoudre à partager son époux. Mais a t-elle le choix puisque depuis son adolescence, sa famile lui répète sans relâche qu’elle doit tout accepter de la part de son mari ? Et lui répète sans relache qu’elle doit être patiente! « Mounyal! », le maître mot de toute femme désireuse de préserver son foyer!

Confrontée à des scènes difficiles, horribles même, j’ai juré au cours de ma lecture un nombre incalculable de fois, en sachant que ce récit, sous couvert de fiction, offre l’image d’une réalité consternante. Sidérée et pourtant bien consciente que ce genre de situation au 21ème siècle est monnaie courante dans les pays sahéliens, j’ai écouté, révoltée, les mots de Djaïli Amadou Amal, portés avec conviction par Léonie Simaga, lectrice qui prête à la perfection sa voix aux différents personnages: désespérée et suppliante quand il s’agit de prendre le rôle d’Hindou, soumise pour Ramla, et révoltée pour Safira. Le style sans fioriture de l’auteur expose les sentiments de chacun des personnages, de manière acérée et abrupte, le lecteur ou l’auditeur se met aisément à la place des protagonistes et on ne peut qu’être accablé par ce que vivent ces « épouses », au sein de leur concession. Un coup de projecteur sur les violences faites aux femmes qui font écho encore et toujours à d’autres violences conjugales… A lire et à faire lire jusqu’à ce que les choses changent un jour. J’ai particulièrement apprécié la note d’espoir livrée par la touche finale de ce récit.